Lorsque j'avais quatre ou cinq ans, ma mère avait pour habitude de me rapporter un gâteau à base de pâte de haricot chaque fois qu'elle se rendait au marché. [...] Je savais que je ne devais pas le manger à toute vitesse. Je voulais le savourer lentement - plus c'est lent, plus c'est bon ! Je me contentais de grignoter un petit morceau du bord pour laisser pénétrer la saveur du gâteau dans ma bouche, puis je levais les yeux vers le haut, vers le ciel. Ensuite, je redescendais mon regard vers le bas, vers mon chien. Puis je regardais le chat. J'avais mon rituel, c'est comme cela que je voulais savourer mon gâteau, et ce bonheur se prolongeait facilement une demi-heure. Je n'avais aucun souci. Je ne pensais ni à la gloire, ni aux honneurs, ni au profit. C'est pour cela que ce gâteau de mon enfance est un souvenir merveilleux, profondément ancré dans ma mémoire. Nous avons tous connu de tels instants, sans aucune attente, des moments pleins en eux-mêmes, où nous ne regrettons rien. Ce sont des instants de réel bonheur, où nous ne nous embarrassons d'aucune question philosophique du type : "qui suis-je ?" Mais, aujourd'hui, qui est véritablement capable de manger un gâteau de cette façon, de boire une tasse de thé avec une telle présence et d'apprécier pleinement son environnement ?
Nous pouvons redécouvrir tout cela ! Renaître et réapprendre à marcher, avec stabilité, comme une personne libre, sans "fantômes" à notre poursuite. [...] Nous pouvons décider, aujourd'hui, de réapprendre à respirer, à sourire, à cuisiner. Notre maman nous appris à manger, à boire ; elle nous a montré comment nous tenir debout, comment marcher, comment parler, elle nous a tout appris ! Et maintenant nous devons réapprendre tout. Et si nous parvenons à poser tous ces actes en pleine conscience, nous renaîtrons à la lumière de l'éveil.

Thich Nhat Hanh. Prendre soin de l'enfant intérieur.